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L'HISTORIQUE DU PLAGIAT ET ENJEUX CONTEMPORAINS À L'HEURE DE L'IA


La notion de plagiat dans le monde occidental possède une longue histoire, étroitement liée à l’évolution des pratiques intellectuelles et des régimes de propriété des idées. Dans l’Antiquité gréco‑romaine, l’imitation des auteurs précédents était considérée comme un exercice légitime d’apprentissage et de création. Le terme *plagiarius*, utilisé par Martial au Ier siècle, désignait initialement le voleur d’esclaves avant de s’appliquer métaphoriquement au vol littéraire. Ce glissement sémantique marque la naissance d’une conception morale du plagiat comme appropriation indue.  


Au Moyen Âge, la circulation des manuscrits et la pratique du commentaire rendaient la frontière entre emprunt et création particulièrement floue. Ce n’est qu’avec l’invention de l’imprimerie et l’essor des droits d’auteur à l’époque moderne que le plagiat fut progressivement codifié comme une faute intellectuelle et juridique. Au XIXe siècle, dans le contexte romantique et individualiste, l’originalité devint une valeur centrale, renforçant la condamnation du plagiat comme atteinte à la singularité de l’auteur.  


Au XXe siècle, la définition du plagiat s’est institutionnalisée dans les universités et les maisons d’édition, avec des politiques explicites visant à protéger l’intégrité académique. L’auto‑plagiat, longtemps ignoré, a émergé comme problème spécifique à mesure que la pression de publication s’intensifiait. Réutiliser ses propres textes sans signalement fut progressivement considéré comme une pratique trompeuse, minant la confiance dans la nouveauté scientifique.  


Aujourd’hui, l’essor de l’intelligence artificielle bouleverse ces cadres traditionnels. Les outils de génération de texte, capables de produire des articles, des chapitres ou des livres, posent la question de l’originalité et de l’attribution. Si un chercheur utilise une IA pour rédiger une partie de son travail, doit‑il en être considéré comme l’auteur unique ? L’IA peut réutiliser des corpus existants, parfois sans attribution explicite, brouillant la distinction entre création et reproduction. De plus, la détection du plagiat devient plus complexe : les textes générés peuvent être originaux dans leur formulation tout en reposant sur des structures empruntées.  


Dans ce contexte, une redéfinition pragmatique des concepts s’impose. Le plagiat doit être repensé non seulement comme vol d’idées, mais aussi comme dissimulation de l’usage d’outils automatisés. L’auto‑plagiat doit intégrer la question de la réutilisation assistée par IA, où la répétition peut être masquée par des reformulations algorithmiques. Enfin, le *postplagiat*, tel que conceptualisé par Sarah Eaton, invite à dépasser la vision punitive pour analyser les logiques systémiques : pressions institutionnelles, technologies émergentes et cultures disciplinaires.  


Vu dans une perspective historique, le concept de plagiat montre une évolution constante des définitions en fonction des contextes sociaux et techniques. L’ère de l’intelligence artificielle impose une nouvelle étape : reconnaître que l’intégrité académique ne peut se limiter à la surveillance des individus, mais doit s’adapter aux environnements numériques et aux pratiques hybrides de production du savoir.